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Harcèlement moral : le recours à un consultant enquêteur en question

Harcèlement moral : le recours à un consultant enquêteur en question

Certains cabinets de conseil réalisent des enquêtes pour déterminer s'il y a ou non une situation de harcèlement dans l'entreprise. Ni inspecteur du travail ni juge, le consultant se retrouve dans une position délicate. Le congrès international sur le harcèlement au travail de Bordeaux était l'occasion pour Nina Tarhouny de défendre son travail... et pour d'autres d'alerter sur les risques de ce "territoire gris".

La salle du palais de la Bourse de Bordeaux était comble ce 7 juin 2018 au matin. Des participants du Bullying 2018, congrès international sur le harcèlement au travail, qui rassemble des chercheurs du monde entier, étaient venus écouter Nina Tarhouny, attirés par sa présentation intitulée "La délicate position du consultant externe en matière d'enquête pour harcèlement moral". La doctorante en droit a exposé l'intérêt des enquêtes en entreprise, qu'elle-même réalise en tant que consultante pour le cabinet Crise-Up, à la demande d'un employeur qui voudrait vérifier l'existence d'une situation de harcèlement qui lui ayant été rapportée.

Faire appel à une personne externe offre "des garanties d'expertise", défend-elle, rappelant que les élus du CHSCT ne sont pas toujours suffisamment formés. Autre intérêt d'après elle : l'impartialité du consultant, contrairement aux élus qui côtoient quotidiennement leurs collègues mis en cause. "Le consultant est indépendant, expose Nina Tarhouny, même si les victimes peuvent avoir comme préjugé qu'on marche pour l'entreprise qui nous paie." Surtout, le recours au consultant garantirait l'anonymat et la confidentialité des témoignages :

Les personnes ne sont pas citées nominativement dans mon rapport, je le rédige de telle manière qu'il n'est pas possible de savoir qui a dit quoi, donc cela peut les rassurer et créer un lien de confiance propice à la libre parole. Alors que les victimes de harcèlement ont parfois des difficultés à recueillir les témoignages de leurs collègues.

"Je ne suis pas The Mentalist"

Pour réaliser son enquête, Nina Tarhouny consulte le document unique, le document annuel de la médecine du travail, les courriers d’alerte... c'est-à-dire entre 150 et 200 documents en moyenne, nous détaille-t-elle à l'issue de sa présentation. Ensuite, elle mène un entretien d'une heure avec les salariés qu'elle souhaite. Elle aborde d'abord les conditions de travail globales, et pose ensuite des questions sur le possible harcèlement. "Je ne suis pas the Mentalist." Elle nous assure qu'elle recoupe les informations, et ne rapporte dans son rapport que les dénonciations concordantes de faits précis, ou bien posées par écrit.

Le plus souvent, indique-t-elle, il y a bien une situation de harcèlement. L'employeur est ensuite libre de diffuser le rapport. En cas de judiciarisation de l'affaire, l'avocat peut utiliser les conclusions et les verser au dossier. Nina Tarhouny reconnaît cependant ne pas savoir quelle valeur les juges accordent à son expertise.

"Pour l’employeur il s’agit souvent de désigner un coupable. Il est parfois très difficile de lui faire entendre que c'est l'organisation du travail qui est en cause", raconte la doctorante. Elle ferait l'objet de menaces économiques de certains employeurs qui lui demandent de changer son rapport.

À l'issue de la présentation de Nina Tarhouny, plusieurs participants se sont montrés critiques vis-à-vis de ces enquêtes payantes. Parmi les questions fermées : "combien coûte votre prestation et combien de temps restez-vous en entreprise ?", "pourquoi l'employeur n'est-il pas obligé de communiquer votre rapport ?" et "avez-vous un agrément CHSCT ? [délivré par le ministère du travail à une centaine de cabinets d'expertise, ndlr]"

Court-circuit des acteurs institutionnels ?

"Il faut faire attention à ce territoire gris. Le problème est que cette procédure court-circuite les acteurs déjà prévus qui connaissent bien l'entreprise, comme le médecin du travail ou l'inspecteur, et que rien ne garantit la qualité de l'expertise des consultants", commente Marie Pezé, docteure en psychologie. "L’employeur cherche un coupable, mais c’est lui le responsable devant la loi [...] Le harcèlement est un délit, donc c'est au juge de se prononcer", rappelle celle qui est aussi experte judiciaire. Avoir un regard extérieur est peut-être bien dans certains cas, mais des gardes-fous sont nécessaires, nous précise Marie Pezé entre deux conférences.

Nina Tarhouny se défend. Bien sûr, il y a des dérives de la part de certains de ses confrères. Ensuite, elle collabore régulièrement avec les autres acteurs de l'entreprise. Mais "parfois, il n'y pas de médecin du travail, parce qu'il n'a pas encore été remplacé ou qu'il vient juste d'arriver. Parfois, le dossier est complètement vide". Et de conclure : "s'il existait une institution publique chargée d'enquêter, avec des moyens, comme au Canada par exemple, je serais ravie d'y travailler. Mais concrètement, les acteurs sont aujourd'hui débordés. On vient juste combler un vide".

Pauline Chambost

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